Peut-on déshériter son enfant en Espagne?

En matière de succession, survient toujours  un doute quant à savoir si, selon le Code Civil espagnol (CC, il est possible de déshériter son enfant, c’est ce que l’on appelle en Espagne « la desheredación ». Cette notion est règlementée aux articles 848 et suivants du CC.

Que signifie exactement déshériter?

 

Comme son nom l’indique, cela suppose d’exclure une personne de la succession, à condition que cela soit fondé sur une série de critères légaux.

Pour pouvoir déshériter, il est nécessaire que le testateur procède à la « desheredación » grâce à un testament qui devra inclure la cause légale sur laquelle se fonde celle-ci-

Quelles causes justifient de déshériter son enfant ?

 

Ci-dessous, nous indiquons certaines des raisons (articles 756 et 853 du Cc) pour lesquelles il est possible de déshériter un enfant en Espagne:

i. Avoir refusé d’alimenter le parent ou l’ascendant qui octroie la succession

ii. Avoir maltraité ou injurié de manière grave le parent ou l’ascendant qui octroie la succession

iii. Quand l’enfant a été condamné en justice pour avoir attenté à la vie du testateur.

iv. Quand l’enfant a accusé son parent d’un délit pouvant entraîner au moins une peine d’emprisonnement ou de réclusion criminelle et que cette accusation a été déclarée comme calomnieuse

v. Quand l’enfant a menacé ou a fraudé ou fait preuve de violence, obligeant son parent à rédiger un testament ou à le modifier

vi. Quand l’enfant du testateur l’a empêché de faire un testament ou de révoquer celui déjà fait, ou qu’il ait dissimulé, remplacé ou modifié un autre testament ultérieur.  Bien que  les causes indiquées figurent expressément dans le CC espagnol comme conditions pour déshériter un enfant, le 3 juin 2014 la Chambre Civile du Tribunal Suprême espagnol (TS), a considéré que la maltraitance psychologique devait être considérée comme une juste cause pour déshériter son enfant. Le TS en arrive à la conclusion que, bien que l’article 848 du CC donne une énumération des cas dans lesquels il est possible de déshériter un enfant, il n’empêche pas qu’il faille évaluer précisément chaque cas.

Bien que la maltraitance psychologique ne soit pas expressément déterminée comme cause légale justifiant de déshériter son enfant, le juge estime désormais qu’il faut comprendre la maltraitance psychologique « comme une action qui entraîne un amoindrissement ou une lésion de la santé mentale de la victime » et que comme telle « elle doit être considérée comme comprise dans l’expression ou le dynamisme conceptuel qui entoure le fait de maltraiter sans qu’il lui soit allégué pour y faire obstacle un défaut de jurisprudence claire et précise à ce sujet ».

Compte tenu de ce qui précède, suivant l’ordre juridique espagnol, il est possible de déshériter son enfant, à condition que coïncident les causes légales expressément déterminées. Cela n’empêche pas que chaque cas en particulier pourra être évalué par les Tribunaux et le cas échéant, être déterminé comme cause légale justifiant que le testateur déshérite un descendant. Quoiqu’il en soit, la charge de la preuve de l’inexistence de la cause légale justifiant le fait de déshériter reviendra aux héritiers du testateur.

Monika Bertram

Mariscal Abogados, Avocats francophones en Espagne

Eurojuris España, réseau espagnol inernational de cabinet d’avocats